Madame la ministre,

Les fortes chaleurs de ces dernières journées nous rappellent l’urgence de lutter réellement contre le changement climatique, mais aussi celle de prendre en compte ses effets déjà bien présents, et d’adapter le fonctionnement de notre Ecole pour lui permettre d’assumer l’ensemble de ses missions tout au long de l’année scolaire et sur l’ensemble des territoires français. Ces épisodes caniculaires étant appelés à se multiplier, il devient urgent de lancer une véritable rénovation écologique du bâti scolaire public, pour protéger la santé et les conditions de travail des élèves et des personnels, et atténuer l’empreinte écologique de l’Éducation nationale. La FSU, avec l’Alliance Ecologique et Sociale, exige un véritable plan de financement et la mise en œuvre de solutions de prévention.

Comme chaque année, ce dernier CSE nous permet de dresser un premier bilan de votre action au sein de ce ministère. Celui-ci s’inscrit dans la continuité de celle de vos nombreux et nombreuses prédécesseur·es : vous poursuivez la transformation en profondeur de l’école, contre les personnels et en piétinant le dialogue social. Vos choix politiques sont orchestrés uniquement au prisme de la politique du plein emploi : tri des élèves de plus en plus jeunes, instrumentalisation de l’orientation pour tenter d’alimenter les métiers en tension, diminution du taux de poursuite d’études pour favoriser le taux d’emploi des jeunes, déprofessionnalisation et déqualification des formations et des métiers. Le système éducatif que les gouvernements Macron redessinent depuis 8 ans – en particulier  la fragilisation de l’école publique au profit du financement du privé – continue à accentuer les inégalités, il exclut les plus fragiles de la qualification et des études supérieures et contribue à créer du ressentiment et de la défiance envers l’ensemble de nos institutions.

Vous refusez d’engager une politique de démocratisation scolaire et de mettre les moyens pour scolariser l’ensemble des élèves dans de bonnes conditions, et ce sont toujours les jeunes issus des milieux les plus défavorisés qui en subissent les conséquences. En outre, la carte de l’Education prioritaire n’a toujours pas été revue, alors qu’elle aurait dû l’être tous les 4 ans depuis 2014. Il est urgent d’élargir cette carte.  Le budget 2026 reflétera — ou non — votre engagement et votre considération pour notre école publique et laïque au service de l’ensemble des élèves. La FSU rappelle que le financement du service public d’éducation est un investissement d’avenir qui prépare les futures générations à faire société.

Quant à votre méthode de dialogue social, elle ne permet pas réellement un diagnostic partagé. Vous pratiquez un dialogue social de façade qui ne prend aucunement en compte l’expertise des organisations syndicales, où tous les projets pour l’école sont ficelés par avance et/ou pilotés depuis l’Elysée – bien loin de vos propos qui vous engageaient concernant le diagnostic partagé que vous appeliez de vos vœux. Ce pilotage autoritaire des ministères nuit à l’ensemble du système de formation et d’éducation. L’ordre du jour de ce CSE en est un exemple flagrant, avec l’imposition à la dernière minute de textes non discutés.

Votre gouvernement, fidèle à sa stratégie de passage en force, s’attaque une fois de plus au service public de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR). Le projet de loi « Modernisation et régulation de l’enseignement supérieur » a été inscrit en catimini à l’ordre du jour de ce CSE, avant un passage express en Conseil des ministres voire au Parlement d’ici le 11 juillet.

Pour la FSU, ce texte est inacceptable car il permettrait au ministère, sans avis du CNESER, de retirer des accréditations de formations sur simple avis du HCERES — un organisme dont les avis sont contestés par la communauté universitaire et dont les liens avec l’exécutif interrogent.

Il ouvre davantage la collation des grades aux établissements privés, remettant en cause le rôle du service public au lieu de le renforcer.

Il délègue des pouvoirs aux recteurs et rectrices, qui pourraient décider seul·es de nominations ou de suppressions de formations. Il prolonge de 5 ans, sans bilan, les expérimentations des EPE, alors que ceux-ci génèrent une confusion entre établissements publics et privés, et affaiblissent la démocratie universitaire. Ce passage en force, sans concertation ni débat, vise à faire taire la contestation. La FSU refuse cette dérive autoritaire et appelle à la mobilisation pour défendre un enseignement supérieur public, démocratique et de qualité pour toutes et tous.

La réforme de la filière des métiers d’arts est aussi symptomatique du manque de concertation de votre part. Comment peut-on décider en catimini d’une réforme d’une telle ampleur ? Qui a discuté avec qui, et où ? Vous engagez une réforme des diplômes et des parcours des métiers d’art, sans que l’État n’ait organisé de réelle concertation. Pourtant, comme le stipule l’article L.335-8 concernant les dispositions communes aux formations technologiques et professionnelles, une concertation permanente devrait être organisée. En effet, l’État doit concerter les compagnies consulaires, les chambres de métiers,  d’agriculture, les organisations professionnelles d’employeurs et de salarié·es, les organisations familiales et les représentant·es de l’enseignement pour toute révision des structures de l’enseignement, des programmes et de la sanction des études relevant des enseignements technologiques et professionnels, liées aux résultats obtenus, à l’évolution de la société et du progrès scientifique, technique, économique et social. Malgré cela, dans le dos des personnels et des familles et à 15 jours des congés scolaires, vous tentez de supprimer un an de formation aux élèves et de leur imposer le fiasco du parcours différencié en terminale. Jamais le ministère n’aurait osé procéder de la sorte dans une autre voie que la voie professionnelle ! Il s’agit là d’une nouvelle attaque frontale contre la qualité de la formation des jeunes se destinant aux métiers d’art et de l’artisanat. Cette réforme s’appuie sur un rapport caché qui prétend vouloir rendre la filière plus lisible mais répond avant tout « aux besoins de compétences » de certains employeurs du secteur du luxe, tout en développant les parcours en apprentissage. Cette réforme compromet l’avenir et l’insertion professionnelle des jeunes, orchestre une déprofessionnalisation des filières d’art, tout en fragilisant des filières exigeantes, notamment les CAP — garants d’un savoir-faire pourtant reconnu mondialement. La FSU dénonce avec force cette réforme précipitée, idéologique et destructrice. Elle s’oppose fermement à ce projet et exige le maintien d’une formation exigeante, ambitieuse et complète pour les jeunes qui font le choix des métiers d’art.

Elle demande que le rapport de l’IG sur cette filière, paru en juillet 2024, soit rendu public et que de réelles discussions soient mises en œuvre sur l’ensemble des problématiques (parcours, référentiel de certification, grille horaire, PFMP, modalité d’évaluation, etc.) — c’est le sens du vœu intersyndical que nous avons déposé.

Les infirmières, assistantes de service social et psychologues de l’Éducation nationale se sont massivement mobilisées le 10 juin pour dénoncer l’orientation générale de la réforme de la santé scolaire, centrée exclusivement sur un angle sanitaire. Cette approche affaiblit la capacité et l’ambition du ministère à lutter contre les inégalités sociales et de santé, et donc à remplir sa mission principale : assurer la réussite scolaire de toutes et tous. Alors que vous vous étiez engagé·e à « rééquilibrer les deux jambes » de la politique éducative sociale et de santé, en réaffirmant la dimension préventive et éducative des métiers au service des élèves, les personnels ont été, hier encore, confronté·es au mépris et à la mise en œuvre précipitée de dispositions qu’ils et elles rejettent unanimement. La FSU dénonce une réforme imposée sans évaluation de la politique actuelle, sans prise en compte des réalités de terrain, et sans véritable dialogue. Une réforme des chiffres, qui dégrade à la fois les conditions de travail des agent·es et la qualité du service rendu.

Nous vous alertons sur l’augmentation des risques psychosociaux inhérents à vos propositions. La FSU demande l’annulation immédiate des mesures annoncées. Construire une politique éducative, sociale et de santé ambitieuse, au service des élèves et de leur réussite scolaire, ne peut se faire contre les professionnel·les concerné·es.

Enfin, la réforme de la terminale bac pro, pensée par le ministère du Travail et imposée à marche forcée contre les personnels et contre la réussite des élèves, est un fiasco. Avec l’avancée des examens en mai réduisant les cours de 4 semaines, les enseignant·es dénoncent le manque de temps pour  préparer rigoureusement leurs élèves aux CCF et aux épreuves écrites terminales. Quant au parcours différencié, c’est un échec total : faible corrélation du choix de parcours avec les vœux Parcoursup ou avec la filière du lieu de PFMP, injonctions à enseigner d’autres disciplines que la sienne, autonomie complète des établissements génératrice d’inégalités, impossibilité de préparer les élèves aux deux dernières épreuves de fin juin, désorganisation complète des établissements, perte de sens pour les élèves.  L’absentéisme a explosé en terminale mais aussi par ricochet dans les classes de seconde et de première. Plutôt que de reconquérir le mois de juin, on a clairement perdu le mois de mai en LP.  Ces éléments sont objectivés par les témoignages massifs remontés des établissements et par les enquêtes lancées par le SNES, le SNUEP et la CGT.

Pour les professeur·es de lycée professionnel, cette réforme engendre une perte de sens du métier, une dégradation de leurs conditions de travail et une augmentation des tensions dans les collectifs.

Les élèves de bac pro ont besoin de plus et mieux d’école. La FSU demande que le ministère ouvre rapidement des discussions pour rétablir les examens en juin et abroger le parcours différencié. Le SNUEP-FSU, avec la FSU, défendra partout une voie professionnelle scolaire, publique et laïque de qualité.

Depuis plusieurs années, la FSU alerte sur les conséquences des politiques menées  (sous-investissement chronique, réformes imposées contre l’avis de la majorité, dégradation des conditions d’exercice des métiers, etc.). Celles-ci alimentent la rancœur, la défiance envers les institutions et  nourrissent une colère froide qui s’étend dangereusement. Cela fait déjà bien longtemps que le lien de confiance entre les personnels et l’institution s’est rompu. Il est de votre responsabilité politique d’inverser cette tendance en pratiquant un dialogue social respectueux des personnels, en  menant des politiques publiques et financées en faveur de l’intérêt général.